Accueilli par le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) dans le cadre d’un nouveau partenariat, l’Association Nationale Nouvelles Ruralités (ANNR) avec le concours du CGET, le Groupe La Poste et la Caisse des Dépôts a, le 5 avril, ouvert avec succès et intérêt le débat sur le thème «Architecture, paysage et identité des territoires ruraux».
Selon le principe de réflexion transversale, nourri par des experts et témoins d’origines diverses, treize intervenants ont nourri les débats dans le cadre d’échanges ouverts au public.
Les vidéos proposées ci-dessous retracent l’intégralité des débats de la journée ainsi qu’une approche spécifique de chacun des intervenants à partir d’une thématique ou une problématique soulevée.
Outre une richesse des débats saluée par le sénateur Patrice Joly, président de l’ANNR, la synthèse des travaux fait clairement apparaître la nécessité d’une nouvelle approche de la manière de vivre et d‘habiter les territoires, tant sur le plan paysager, qu’architectural ou patrimonial. Des territoires non pas conçus comme des musées et des centres de ressources environnementaux, mais bien comme des lieux de vie ouverts à l’économie de demain et portés par les nouvelles technologies.
Deux grands témoins, Martin Vanier et Régis Ambroise se retrouvent sur la même ligne pour sensibiliser tous les acteurs et travailler à l’appropriation de l’ensemble des démarches durables par les citoyens. Seconde idée forte développée par Martin Vanier, les territoires ne doivent pas être opposés aux réseaux.
Les échanges de cette journée ont permis d’alimenter les propositions de notre association que nous communiquons régulièrement auprès du ministre de la Cohésion des territoires ainsi qu’à nos partenaires du collectif inter-associations des «Voix de la Ruralité».
Enfin, les résultats de cette journée dédiée au paysage et à l’architecture ont été envoyés à nos partenaires historiques, et notamment à l’équipe de Territoires Conseils (Caisse des Dépôts). Cette équipe s’est particulièrement investie à nos côtés à travers une approche pluridisciplinaire et un partage d’expériences et d’outils très pertinents.
Olivier Faron – Administrateur général du CNAM
Pour l’administrateur général du Conservatoire National des Arts et Métiers, réfléchir à l’avenir des territoires ruraux et mettre en avant leurs potentialités et leurs initiatives en collaboration avec l’ANNR s’inscrit parfaitement dans la démarche de formation initiée par sa structure. Recueillir les expérimentations de terrain, identifier les savoirs et les mettre en réseau répond à la volonté d’irrigation des savoirs en direction des publics les plus divers, en particulier ceux éloignés des métropoles.
Patrice Joly – Président de l’ANNR
Dessiner l’architecture et le paysage pour décider de l’avenir de nos territoires dans lesquels nous souhaitons vivre, constitue un objectif majeur pour l’Association Nationale Nouvelles Ruralités (ANNR). L’homme a toujours apporté sa main à la construction de son territoire et, conscients que nous sommes aujourd’hui de certaines pratiques, nous inscrivons nos paysages, nos villages et nos villes moyennes dans un avenir durable. Il doit respecter son identité et permettre, tant l’accueil de nouvelles populations que celles d’activités économiques.
Martin Vanier – Géographe, urbaniste consultant
Nous n’opposons pas les territoires et les réseaux. Il n’y aura pas de réseaux sans territoire. Mais attention à ne pas trop tout attendre du territoire mis à toutes les sauces. Les territoires tendraient à incarner le local, l’identité, le vivre ensemble, l’authenticité, la solidarité la justice, l’intérêt collectif, la pertinence de l’action publique, la légitimité politique… Ça fait beaucoup ! Habiter le territoire ce n’est pas simplement résider, c’est construire un rapport avec le monde dans toutes ses dimensions, échelles et possibilités. Il faut habiter certes mais également accéder : accéder à l’énergie, à la mobilité. Tout cela implique de ne pas être enfermé.
Bernard Farinelli – Journaliste/ Chroniqueur
Richesse trop méconnue, le potentiel du bocage dans sa quadruple dimension, agricole, culturelle, naturelle et économique doit être réaffirmé. Une nouvelle gouvernance s’impose. Elle passe par une appropriation collective ainsi qu’une expression du sens profond que l’on se doit de donner à ce qui ne peut pas rester une exception. Le bocage n’est pas un musée, pas plus une trace du passé mais bien une terre d’expérimentation.
Jean-Louis Coutarel – Architecte, professeur d’architecture, chargé de mission CGET
Cherchons, souvent regardons même tout simplement ces richesses patrimoniales qui nous entourent, geste d’hier issu d’une pratique que l’on souhaite renouvelée, leur valorisation ne nécessite pas forcement de gros budgets ou de lourdes opérations. Les comprendre fera prendre en compte l’identité des centres-bourgs ou des cœurs des villes moyennes en retrouvant le cadre que nos vénérables ancêtres bâtisseurs anonymes concevaient dans une harmonie avec leur environnement et la nature.
Marie-Christine Renard – Directrice de l’école nationale d’architecture de Bretagne
Avant tout, faisons comprendre et partager le sens des paysages et de l’architecture qui nous entourent. La pertinence des initiatives des élus et des citoyens passe par l’appropriation de notre cadre de vie dont ils doivent prendre la mesure avant de bâtir leur projet. Le foncier se partage et on cohabite sur ces terres, l’avenir se conçoit durable et le béton ou le goudron par excès n’ont jamais contribué à une qualité de vie durable ! La pratique ne consiste pas s’opposer ou à convaincre en force mais à dialoguer pour imaginer, en commun, des projets de bâtiments collectifs, des lieux de vie plus intimes ou des initiatives agricoles.
Michel Manville architecte, paysagiste
Le paysage est une représentation façonnée par notre culture et notre imaginaire. Ce qui explique, de l’Orient à l’Occident, la diversité des approches et des perceptions. Certains le contempleront, d’autres le vivront sans le regarder ce qui renvoie à beaucoup de modestie et de prudence sur l’interventionnisme des prétendus «sachants». Avec humilité, suggérons ces richesses, sauvons parfois ce que l’on ne regarde plus au croisement paysager de l’architecture, de la philosophie et de l’ethnologie entre la pratique d’hier et la vie d’aujourd’hui.
Cathie O’Neil – Directrice de l’école professionnelle de la pierre sèche
Protéger et retrouver notre patrimoine, c’est également pourvoir l’enseigner pour continuer à le transmettre. Victime des modes, parfois marginalisées, les singularités méritent attention et engagement pour retrouver des pratiques et des savoir-faire souvent considérés complexes. Le dynamisme, l’art d’expliquer et de faire partager permettent d’élever des murs, autant de barrières naturelles soutiens de nos montagnes que l’on saute pour retrouver les racines.
Sylvie Monier – Directrice de la mission « haies Auvergne »
Dessine-moi un têtard et je comprendrai ton identité. Au pied de mon arbre et de ma haie, je comprends mieux toute la richesse agro-forestière mais gardons-nous des modes ou de toute tentation d’uniformisation. La haie, l’arbre ou la forêt constituent les richesses exceptionnelles de nos micro territoires. Ils en racontent même tout un pan de leur histoire. Laquelle n’est pas forcément affaire d’économie ou de patrimoine naturel. Mais de patrimoine du quotidien qui se doit d’être préservé des saillies et replacé dans le cadre des nouvelles pratiques respectueuses. Arrêtons de raser gratis !
Regis Ambroise – Agronome président de paysage après pétrole
Il y a une vie après le pétrole. Une association « Paysage après pétrole » se propose justement de redonner du sens à nos paysages et notre agriculture victimes des débordements inconsidérés des « Trente glorieuses ». Si l’on veut réduire significativement l’usage des énergies fossiles responsables du réchauffement climatique sans aller vers le tout atomique, il nous faut trouver des solutions alternatives. Chaque territoire possède des ressources énergétiques qui lui sont propres. Combinons et additionnons les pratiques du passé et les initiatives actuelles : hydraulique, solaire, éolien, biomasse géothermie. La connaissance de l’histoire et de la géographie guide vers cette plus grande autonomie énergétique.
Michael Weber – Président de la fédération des parcs naturels régionaux (PNR)
Les parcs naturels régionaux (PNR) constituent de remarquables territoires d’expérimentation pour une démarche architecturale, paysagère et environnementale. Cinquante ans après leur création, on mesure, au-delà des aspects de préservation, que l’économie et l’activité humaine, dans le cadre d’un dialogue permanent, se concilient avec des objectifs durables. Et les PNR demeurent des lieux de vie ! Lieu de travail certes mais également tiers-lieu d’accueil de nouvelles populations et de touristes. N’oublions pas pour autant que ces innovations attendent soutien et engagement politique.
Simon Teyssou – Architecte
La lumière et le bon air entrent de plein fouet dans l’atelier du Rouget, symbole de la conception architecturale adaptée aux petites communes. Fini le temps des grands travaux. Certes ils sont rattrapés par la nouvelle équation budgétaire mais désormais le projet se veut adapté et respectueux. Ici on part des modes de vie des populations, on se nourrit de la vallée à perte de vue, on lie en toute simplicité la place du marché à l’école par quelques bancs…Ces multiples exemples illustrent parfaitement le dernier documentaire de Dominique Marchais : «La beauté du monde» avec pour sous-titre « Au pays des poules heureuses».
Jean- Pierre Thibault – Inspecteur général de l’environnement et du développement durable
S’inspirer de diverses initiatives européennes pour nourrir les politiques publiques de l’espace rural français part d’une bonne intention. L’espace rural européen doit relever trois défis : celui de l’empiètement urbain en sachant qu’en France un département disparait tous les 7 ans. Deuxième défi, celui de l’agriculture dans une impasse sociale, économique et environnementale et enfin le défi d’une espace rural fournisseur d’énergies renouvelables. Ces défis peuvent être relevés en s’inspirant, là encore, des initiatives sur le terrain.
Jean- François Bizet – Maire et avocat
Les territoires, en particulier les plus petits, vivront et se développeront à la condition première qu’on leur redonne la gouvernance ! La décentralisation a vécu et le pouvoir central, sur fond de complexité administrative met à mal volonté et initiatives locales. Pensée en haut lieu quand elle est faite en direction des territoires, c’est aux plus grands que s’adressent ces politiques. Le cri, voire la colère des maires ruraux, n’est pas nouvelle mais l’écho résonne plus fort après les lois de 2014 et 2015. Il en va de l’implication des élus et des citoyens à la vie de leur commune ou intercommunalité donc à leur capacité à continuer à tisser l’indispensable lien social.
Philippe Mallaroni – Directeur du CNAM MiIlau
Projet majeur de l’économie de nos territoires l’entreprise et son succès passent, hors des recettes miracles, par la méthodologie et la formation. On ne duplique pas tous les projets et le suivisme comporte bien des risques sur des marchés devenus pointus et évolutifs. Partons des ressources des territoires, de leur capacité à accueillir de nouvelles populations et créons le lien. Toutes les formations, en particulier la formation permanente, permettent de revisiter nombre de métiers, d’en inventer d’autres nourris des nouvelles technologies et de pratiques sociales et managériales plus respectueuses. Les métiers, aujourd’hui comme ceux d’hier s’apprennent !