Le camion aux couleurs du Parlement rural français a sillonné Paris, faisant halte aux sièges de campagne des candidats qui ont reçu la délégation composée de Patrice Joly, sénateur de la Nièvre, président de l’Association Nationale Nouvelles Ruralité (A.N.N.R.), Roland Héguy, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), Dominique Marmier, président de Familles rurales, Dominique Ravon, président des Maisons familiales rurales (M.F.R.), Claude Grivel, président de l’Union des acteurs du développement local (UNADEL), Nathalie Monteiro, coprésidente de la Confédération nationale des foyers ruraux, Éric Krezel, président de l’Association des maires ruraux de Haute-Marne, et Guy Clua, président du conseil scientifique de l’Association des maires ruraux de France.
L’objectif de ces rencontres était d’écouter les candidats, leurs propositions et solutions pour la ruralité mais aussi de leur présenter les principales revendications et inquiétudes, et de proposer un plan pluriannuel sur 5 ans de 10 milliards d’euros.
Le ton est donné dès la première rencontre avec Laurent Jacobelli, porte-parole de la campagne de Marine Le Pen, qui évoque la nécessaire « démétropolisation », en « réimplantant les services publics et en rendant leurs pouvoirs aux maires ruraux ». Par ailleurs, « Marine Le Pen prévoit de baisser la T.V.A. sur les biens énergétiques de 20 % à 5,5 % et pour ceux en monde rural, ce sera un élément déterminant de considération de leur vie et d’amélioration du pouvoir d’achat ».
La délégation fut ensuite reçue par le candidat Nicolas Dupont-Aignan, qui pour rendre la liberté aux communes, s’engage à supprimer la loi NOTRe. « Il ne s’agit pas de refuser l’intercommunalité, il s’agit d’avoir des intercommunalités à visage humain, dans des bassins de vie plus retreints, qui ne vampirisent pas les communes. Parce que demain, il n’y aura plus de maires, on aura des gardes-champêtres, et ça coûtera trois fois plus cher ». En matière de logement, Nicolas Dupont-Aignan se propose « de créer un fonds national qui financera la réhabilitation de milliers de logements en ruine qui pourrissent au milieu de certains villages et qui cèdera à des jeunes primo-accédants qui veulent s’installer avec une vie plus agréable que dans les métropoles ». Enfin le candidat veut un « big bang en supprimant les régions, faisant redescendre leurs compétences vers les départements, vers la proximité ».
Guillaume Peltier, porte-parole d’Éric Zemmour, insiste sur la désertification médicale, proposant « d’installer immédiatement dès notre élection 1000 médecins salariés dans les zones rurales les moins bien dotées, financés par l’État, c’est-à-dire par l’Assurance maladie, et de supprimer les A.R.S. ». D’autre part, il propose « un moratoire immédiat, c’est-à-dire la suspension immédiate de toute fermeture de classes et d’écoles dans le monde rural parce que l’on doit, y compris dans nos petites communes, garantir une éducation de proximité pour toutes nos familles ».
La délégation fut ensuite reçue par la candidate des Républicains Valérie Pécresse et Olivier Marleix, son conseiller pour les questions de ruralité. Celle-ci défend « l’idée de donner à la Région pleine capacité à agir pour le développement économique des territoires, notamment ruraux, et de faire du département le chef de file des politiques notamment dans le secteur social, de l’enfance et la petite enfance, de la santé avec le problème d’accès aux soins ». La candidate propose deux mesures phares « fusionner le livret A et le LDD pour accompagner un grand plan de modernisation de nos infrastructures, la fibre partout en 2024, moderniser nos transports ferroviaires, nos infrastructures routières, nos grands services publics pour apporter cette égalité sur tous les territoires » et « lancer une opération de défiscalisation à destination des communes et petites villes de moins de 20 000 habitants. Elle concernera et permettra l’installation des activités commerciales, artisanales et agricoles que j’entends ainsi développer. Il s’agit pour moi de « l’argent de l’affection à destination du milieu rural » ».
Chez Jean-Luc Mélenchon, c’est André Bouchet et Caroline Fesselier qui ont développé les points principaux du programme en matière de ruralité du candidat L.F.I. Les décisions seront immédiates et incisives, en matière d’éducation, « Plus aucune fermeture et même des réouvertures puisque nous sommes partis sur une école par commune pour les communes qui souhaitent avoir une école, et sur une limitation des effectifs à 19 », et pour lutter contre les déserts médicaux, « on veut mettre en place la possibilité de salarier les médecins. ». En matière agricole « une réforme de la PAC, plafonner les tailles des élevages, plafonner la taille des surfaces, mettre en place un système d’établissement public pour le foncier, afin de permettre à tous ces jeunes qui veulent s’installer avec des parcours de plus en plus différents, de pouvoir s’installer ». La redynamisation des zones rurales passe également par « le rééquilibre de la dotation pour les communes… la remise en place de la planification et la réinstallation des services publics ».
Au Q.G. de campagne du candidat Emmanuel Macron, ce sont Jean-René Cazeneuve, Élisabeth Borne et Guillaume Gouffier-Cha qui ont porté la voix de la ruralité avec une proposition phare mise en avant par Jean-René Cazeneuve « Si je devais prendre une mesure dans le programme du candidat Emmanuel Macron, je choisirais la réouverture des sous-préfectures. Elle symbolise à la fois notre volonté de déconcentrer l’État, de le rapprocher des concitoyens, de réarmer nos territoires. Si vous prenez cette mesure et que vous l’associez au renforcement de la différenciation territoriale et du développement du pouvoir réglementaire local, nous avons là, la possibilité de permettre à l’État et aux élus de répondre à nos concitoyens, de façon plus rapide, plus efficace et avec des mesures qui seront personnalisées à chacun de nos territoires ».
À son Q.G. Yannick Jadot et son équipe ont reçu la délégation du Parlement rural français pour expliquer son programme en matière de ruralité, avec notamment la création d’une Agence nationale de la rénovation rurale. « Il nous faut une grande politique nationale d’aménagement du territoire qui a malheureusement disparu et cela signifie concentrer les moyens, les politiques publiques avec les collectivités locales, avec les acteurs, entreprises, salariés, forces vives, pour penser le territoire de manière dynamique ». Cela concerne « les transports, la rénovation des logements, dans les zones rurales la question de la précarité énergétique est une question majeure. C’est la relocalisation de l’économie et le soutien à toutes les activités, de production et de service. C’est garantir qu’on a un panel de services publics à moins d’un quart d’heure en transport de son domicile ». Par ailleurs, le candidat écologique faisant le constat que « les Françaises et les Français ne comprennent plus où sont les compétences » préconise de « remettre de la démocratie et de clarifier quelles sont les vraies compétences des régions, des départements ».
Éric Bocquet, dans l’imposant et historique immeuble de la Place du Colonel Fabien, le seul Q.G. repérable grâce à son immense calicot « Le 10 avril 2022, Votons Fabien Roussel » avec un portrait géant du candidat, accueille la délégation au nom du candidat. Très critique sur le découpage administratif de la France, le sénateur du Nord rappelle qu’« on a besoin d’un rééquilibrage territorial dans cette République. Les réformes successives ont accentué les déséquilibres entre les zones urbaines et les zones rurales. Fabien Roussel avance cette idée de « démétropolisation », il faut revenir en arrière, faire une évaluation de toutes ces réformes successives pour voir quel résultat ça a pu donner au niveau démocratique, au niveau économique, au niveau financier. La commune, c’est le premier échelon de la République ». En ce qui concerne les services publics, « Le service public dans les campagnes, c’est d’abord l’école, que l’école soit accessible partout, quel que soit l’effectif des classes. Le service postal, les trésoreries, les maternités, autant d’outils qui font qu’un territoire peut vivre et se développer dans de bonnes conditions et encore une fois, dans des questions d’équité républicaine ». Et sur le lien social d’autant plus nécessaire à la sortie de cette crise du Covid, alors que les bistrots disparaissent, « les communes peuvent aussi jouer ce rôle-là, au plan économique, culturel, social. Le vivre-ensemble, c’est là que ça se construit ».
Anne Hidalgo, s’est fait représenter par Yves Attou, son conseiller pour la ruralité et Laurence Girard, secrétaire générale de la campagne de la candidate socialiste. Les déserts médicaux sont l’une des préoccupations d’Anne Hidalgo qui « propose que les étudiants accomplissent une année professionnelle dans un quartier, une zone, un village sous-dotés et donc ça permettrait dans un délai rapide d’installer 4 000 étudiants en stage professionnel ». Autre sujet d’incompréhension, « Les habitants des communes de plus de 100 000 habitants reçoivent 128 € par habitant alors qu’une commune de moins de 500 habitants reçoit 64 € par habitant. Anne Hidalgo se propose de reprendre l’idée de réduire
cette distorsion en concertation avec l’Association des Maires de France et le Comité des finances locales qui décide de la répartition des dotations, sans pénaliser les grandes villes ».
Les membres de la délégation du Parlement rural français ont terminé leur tour des candidats par Jean Lassalle avec lequel ils ont échangé dans un bistrot à côté de son bureau parisien. Pour le candidat au verbe haut et au franc parlé, « L’État a joué un rôle déterminant dans la construction séculaire, multiséculaire de notre pays. J’ai proposé une reconstruction de l’organisation territoriale, qui passe notamment par la suppression de la loi NOTRe et de toutes celles qui n’ont rien à voir avec le sujet, qui ne sont pas en harmonie avec notre Histoire… si la France est si singulière… c’est grâce aux maires et aux paysans ». Pour lutter contre les déserts médicaux, Jean Lassalle s’inspire de ce qui a été fait pour l’instruction publique « Je te paie l’ensemble de tes études, mais tu t’engages, et tu vas là où la République a le plus besoin de toi et tu vas trouver l’immensité des chances que tu ignorais et peut-être qu’un jour tu trouveras un médecin désespéré de ne pouvoir passer sa patientèle à qui que ce soit ». Lassalle considère qu’il n’y a pas de débat équilibré entre campagnes et métropoles, « parce que pour eux, nous sommes un fardeau, un ramassis d’élus qui coûtent les yeux de la tête, beaucoup trop nombreux et qu’il faut réduire impérativement… C’est pour ça qu’il ne peut y avoir de discussion. Nous ne sommes pas reconnus… Mais le jour viendra et ce sera par nécessité plus que par vision. Moi j’ai une vision, on peut en rire 1000 ans si on veut. J’ai une vision et dans cette vision, c’est précisément les campagnes qui une fois de plus vont redresser le pays ».
La délégation n’a pas pu rencontrer personnellement les candidats Philippe Poutou et Nathalie Arthaud qui ne se sont pas fait non plus représenter par des membres de leur équipe de campagne.